Dans des jeux comme Final Fantasy, et de nos jours comme dans beaucoup d’autres, la bande originale est extrêmement fournie. En termes général, la musique de jeu vidéo, tout comme la musique de film, a pour but principal d’habiller le paysage sonore afin de ne pas perdre l’attention du joueur ou du spectateur. La musique joue aussi un rôle immersif non négligeable par l’absorption de notre sens auditif, comme l’écran l’est au visuel. Par ailleurs, il est important de noter que la musique de jeu est un dérivé héréditaire de la musique de film. Elle en découle directement. La seule différence notable entre ces deux types d’écriture est l’attention portée à la temporalité. Si bien qu’il est plus aisé dans un jeu vidéo d’écouter une musique que dans un film. Et ce pour la raison évidente qu’il est possible d’arrêter le temps du jeu pour rester dans un lieu et apprécier l’accompagnement sonore. Chose impossible dans un film qui comporte une ligne temporelle immuable.
En ce qui concerne le jeu vidéo, le temps y est malléable, voire manipulable. On manipule le temps alors à deux niveaux : dans l’intrigue, le temps est arrêté. Le personnage n’est plus considéré comme mouvant à l’intérieur de la temporalité du jeu (fiction time) cependant, le temps continue de s’écouler de façon fictive, dans notre monde réel (play time). La musique et l’ambiance sonore continuent ainsi, ce qui constitue la deuxième strate temporelle dans les jeux. Pour réécouter un passage apprécié, il suffit d’attendre la fin de la boucle musicale (le loop). Pour cela, on épuise notre énergie dans le play time.
Dans les jeux du corpus étudié ici, Nobuo Uematsu dût composer non loin de 60 morceaux pour chaque épisode (20 pour les deux premier épisodes, 40 du III au IV, 60 du V au VI et 80 du VII au X). Une telle masse de morceaux pose deux constats. Le premier est qu’il existe forcément des thèmes récurrents, devenant alors par exemple vecteur d’une émotion, à l’image d’un espèce de proto-leitmotiv wagnérien. Le second implique qu’il existe plusieurs catégories permettant de réunir plusieurs titres sous une même étiquette, un même « sens vidéoludique ». Ainsi, l’on dégage trois catégories :
– Les thèmes récurrents : dits « informatifs » permettent au travers d’une mélodie de véhiculer au joueur un manque à l’image. Ce sont, dans de grandes lignes, les thèmes classiques comme celui de l’amour, du conflit, du doute etc… Une discussion entre deux protagonistes prend son sens lorsque le thème de l’amour est entendu, sens qui ne serait pas le même sans musique, avec une musique quelconque ou celle représentant le conflit.
– Les thèmes d’espace : dis « descriptifs » illustrent tout simplement une scène ou un lieu. Ce sont les musiques de donjon, de ville ou plus particulièrement spécifique à certains lieux. Le joueur est informé de son entrée dans un donjon lorsque le thème du donjon est entendu, et en déduit donc qu’il existe un défi à accomplir en ce lieu. De la même façon, le joueur est rassuré d’entendre le thème de la ville ou de l’auberge lorsqu’il pénètre dans un lieu après une dure bataille, lui permettant alors de se reposer. Bien que des étiquettes « de ville » ou « de donjon » englobent bon nombre de lieux, il existe des thèmes plus spécifiques entrant dans cette catégorie comme par exemple Mako Reactor ou Balamb Garden qui comportent pourtant un message de catégorie informative.
– Les thèmes uniques : dits « de cinématique » qui dans les jeux vidéos sont les passages les plus empruntés au cinéma. Ils constituent une « vignette » un mini-film allant de quelques secondes à plusieurs minutes. Ils sont assez rares mais constituent à eux seuls une catégorie. Ce sont les morceaux qui se rapprochent le plus de la technique cinématographique. On passe alors dans une temporalité immuable, puisqu’ils permettent en effet d’être synchronisés -la plupart du temps- avec l’image. De plus, ils apparaissent souvent de façon ponctuelle ou unique dans l’intrigue. Ces morceaux peuvent intégrer la catégorie informative en comprenant dans leur composition des thèmes récurrents, mais leur caractère et leur contexte unique nous impose de les différencier des deux autres catégories.
Au travers de ces trois catégories, l’étude proposée ici, mettant en exergue l’alliance entre la narration et la musique, nous poussera inévitablement à exploiter les morceaux comprenant des thèmes récurrents, c’est à dire qui apparaissent de façon intacte ou modifiée dans plusieurs morceaux utilisés à divers endroits de l’intrigue. Ainsi les catégories « descriptives » et « de cinématique » ne seront que peu exploitées. Tout au mieux, l’on n’y fera que brève référence.
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