Le thème musical qui sert de « thème principal » à Final Fantasy VII est celui entendu lors des voyages sur la Mappemonde. Découvert à la sortie de Midgar, c’est à dire après le premier gros chapitre du jeu qui sert -en quelque sorte- de didacticiel, il a deux impacts. Le premier, c’est de nous faire écouter le premier gros thème majeur du jeu, avec son arrangement entièrement orchestral, ce que l’on avait pas encore eu jusqu’ici. Ce n’est pas anodin si l’on prend en compte que le joueur est libéré dans cette partie du jeu. Bien qu’encore un peu dirigiste, c’est à ce moment là du jeu où l’on accède à la Mappemonde, c’est à dire à une liberté de mouvement. Enfermé depuis le début du jeu dans Midgar, le joueur n’avait alors pas d’autre choix que de suivre la direction imposée par le scénario. Ensuite, c’est ce morceau qui servira de thème au personnage principal, Cloud. C’est donc en sortant de Midgar que Cloud, lui aussi, respire.
Pour revenir sur le passé et la personnalité de Cloud, c’est un orphelin. Il n’a donc pas eu d’exemple parental pour construire sainement son identité. Ainsi est-il antipathique en début d’aventure (ce n’est pas la seule raison mais nous y reviendrons). Ce problème se réglera alors par les interactions avec les autres personnages et l’attachement qu’il y apportera tout au long de l’aventure. La perte de sa mère lors de l’incendie de Nibelheim que Séphiroth provoque dans sa colère -colère aussi en relation avec sa « mère »- permit à Cloud de réveiller en lui les convictions qui le menèrent dans l’aventure proposée par le jeu. Il retrouvera plus tard la présence maternelle et féminine dans le personnage d’Aerith dont il tombera amoureux, mettant alors en joug un des mythes fondateur de notre culture, le mythe d’Œdipe. Il obtiendra alors l’appui de la puissance maternelle (Gaïa) pour l’aider dans sa quête. Du côté du père, il est entièrement absent, ce qui justifie sa psyché atrophiée. Ce problème qu’a Cloud pour s’identifier se retranscrit musicalement dans le jeu. C’est un personnage torturé. Il remet en doute son passé sur lequel ses souvenirs sont flous. Durant son enfance avec sa mère, à Nibelheim, il a également fait preuve d’un complexe d’infériorité. Ses voisins se moquaient de lui, il voulait faire partie de la bande mais n’a jamais été accepté comme il le voulait :
Cloud : « You were all childish, laughing at every little stupid thing »
Tifa » But we were children back then »
Cloud » … I know, I’m the one that was stupid. I really wanted to play with everyone, but I was never allowed into the group. Then later… I began to think I was different… That I was different from those immature kids. »
Afin de surpasser cet enfermement, Cloud se jura de devenir plus puissant que les autres lorsqu’il entendit les histoires au sujet de Sephiroth. Seulement, il n’arrivera en realité jamais à intégrer le SOLDAT, en restant dans l’infanterie. Lorsqu’il accompagne Sephiroth et Zack dans la mission de Nibelheim, il rougit de honte en voyant Tifa comme guide, et décide de garder son casque afin de ne pas être reconnu. C’est principalement pour cette raison que Tifa ne se souvient pas de Cloud dans la tragédie de Nibelheim. Le scénario utilise cependant l’excuse récurrente de l’amnésie suite à un trauma. Bien que Cloud ne mente jamais sur son passé -puisqu’il croit tout ce qu’il dit- c’est un avantage non négligeable dans sa relation avec Tifa. Il affirmera par exemple avoir combattu dans le SOLDAT aux côtés de Sephiroth, et cette dernière ne lui en voudra absolument pas lorsque la vérité sera rétablie. En conséquent, Cloud est perdu entre ces deux identités, celle de Zack et la sienne. Malmené par Jénova qui le contrôle en lui faisant croire ce qu’elle veut, il a du mal à se comprendre et à se cerner lui même. Cette bipolarité constitue le charme de Cloud et sa vignette musicale est basée sur cette thématique.

Le thème, c’est à dire la mélodie principale du morceau, est exposé à la flûte comme indiqué sur la figure 1. Ce morceau a la particularité de ne pas avoir de tonalité fixe dans son introduction. On observe sur la figure 2, écrite en Do majeur pour faire ressortir les altérations, les différents changements de tonalité. En effet, le thème aux violons est premièrement joué en Sol Majeur. Il est ensuite joué en Fa mineur, et il subit même des anamorphoses. La base du thème reste identique à chaque changement, seuls quelques intervalles changent. De plus, on constate en comparant les figures 1 et 2 que le thème n’est pas entièrement terminé. La modulation apparaît avant que le thème n’ait eu le temps de finir.
Par le changement de tonalité, le thème reflète la psyché de Cloud. A l’instar de ce dernier, son leitmotiv ne sait pas encore qui il est. Les intervalles se figent en figure 1, choisissant par ailleurs une tonalité qui restera celle du morceau, Mi majeur. Mais les changements de personnalités ne se manifestent pas que dans les notes entendues. Si l’on s’attarde sur la répartition des différentes voies en figure 2, on remarque qu’entre deux propositions de thème, le Hautbois et la Clarinette s’inversent. Le thème adapte ses intervalles à chaque changement, modifiant alors l’harmonie correspondante. Cette ambiguïté se retrouvera dans un autre thème personnage, celui de Jénova.

Bien qu’appartenant à Cloud, le Main Theme a la particularité d’être présent dans bon nombre de morceaux. Dans Holding my thought in my heart (figure 3), ce thème nous donne libre accès aux pensées de Cloud. Ce morceau est entendu pour la première fois la de la sortie de Midgar, juste avant le Main Theme, lorsque le groupe décide d’élire un leader. A la majorité, c’est Cloud qui est choisi, seul Barret s’y oppose. Cloud se garde alors de s’opposer à ce choix et garde ses sentiments pour lui, ce que reflète le titre. Cet arrangement se veut plus serein, plus intime avec l’arpège à la guitare et le thème à la clarinette. C’est aussi pour le groupe de se reposer après les intenses événements de Midgar.
C’est un arrangement aux antipodes que l’on retrouve dans On that day five years ago. Ce titre fait premièrement référence aux événements de Nibelheim auxquels Cloud n’a que peu participé, en tout cas, moins qu’on ne le croit. Pour le coup, le morceau est un arrangement total du Main theme puisqu’on y retrouve plusieurs éléments, comme par exemple le chromatisme ascendant entre deux expositions.
Que signifie alors ce morceau pour le joueur et pour Cloud ?

Il fait état d’une ambiance totalement différente de Holding my thought in my heart (figure 3). Le morceau se veut mélancolique, mystérieux, à la limite du glauque. D’une certaine manière, ce morceau est un trigger informant le joueur d’un problème, ou qu’un événement s’est mal passé. Une fois dans Nibelheim, il ne fait que retranscrire l’ambiance glauque du lieu, faisant écho aux événements du passé de Cloud qui ont été racontés lors du flashback de Kalm. Mais dans un second niveau de lecture, on se rend compte qu’il a une autre utilité. Premièrement, il n’est pas exclusivement entendu lors d’événements en rapport avec Nibelheim. Il est surtout utilisé lorsque que le doute ou la réflexion sont présents. Première utilisation, lorsque la plaque du secteur 7 s’effondre. Seconde utilisation lorsque Cloud et ses amis ont identifiés la réelle menace : Sephiroth. Double rôle ici pour le thème. Il associe Sephiroth qui a détruit Nibelheim au thème, et montre aussi les doutes de l’équipe quant à ce qu’ils ont vu. Sephiroth est censé être mort mais ils doivent tout de même le poursuivre. C’est une situation très étrange. L’utilisation de ce morceau au caractère douteux permet de décupler chez les joueurs comme chez les personnages la sensation de malaise.

Cet état de doute est de nouveau retranscrit par Who am I ? (figure 4) l’exemple même du morceau qui met en exergue les tourments de Cloud. Utilisé la première fois lorsque Sephiroth le contrôle au temple des Anciens, il est ensuite réutilisé lors de l’épisode dans la Rivière de la Vie. Comme son nom l’indique, ce titre fait office de point d’interrogation musical. Le changement de tonalité est flagrant, perdant alors l’auditeur tout comme Cloud est perdu. L’arpège est souligné à l’écran lorsque le sprite de Cloud se tord dans tous les sens désarticulant sa tête pour symboliser le trouble mental qu’il subit. Notons de plus, l’anamorphose du thème subit. Ce morceau a une toute autre signification dans la Rivière de la Vie, où l’on en revient au premier rôle du Main Theme, symboliser le flou autour du passé de Cloud. Cette association est d’autant plus importante dans cette situation car c’est le moment clé du jeu où il comprend qui il est et qu’il arrive enfin à se ressaisir. Dès lors, Cloud en sortira complètement transformé, au courant des tourments qui lui a infligé Jénova sur son passé. Ce morceau souligne ainsi le dernier moment où l’on voit Cloud tel qu’il était depuis sa sortie de la cuve de Mako.
2 commentaires sur « Final Fantasy VII – Main Theme »