Tout commence en 2012 avec la sortie de l’ouvrage Final Fantasy VII : RPG Collection chez Pix’n Love. A l’époque, j’étais jeune étudiant en Licence, et le contenu du livre revêtait un caractère biblique. Ce n’est qu’en 2014 lorsque j’ai commencé à travailler sur Final Fantasy VII lors de mon Master que j’ai fait l’horrible constat : où est la musique là dedans ? L’ouvrage nous propose différentes analyses sur près de 300 pages. D’un scénario détaillé à l’explication des différents thèmes utilisés dans le jeu, une (petite) fiche biographique de chaque personnage et tout une partie faisant office de making-off un peu légère. Puis vient la partie « Musiques ». Un très faible contenu comparé à l’ensemble de l’ouvrage. Ici on ne parle pas vraiment d’analyse musicale, d’impact ou d’interêt, non. On parle des morceaux qui ont marqué les joueurs, One-Winged Angel ou Aerith’s Theme. C’est tout. Le constat est affligeant : parle-t-on bien des musiques du jeu ? Quelles caractéristiques ? Quel interêt dans le jeu ? Cette frustration est le point de départ de mon projet, et c’est tant mieux. La série des « Légendes Final Fantasy », aujourd’hui éditées chez Third Edition (du VI au XII, excepté le XI) suit exactement la même recette, la musique est gravement en retrait comparé à la qualité des analyses.

Mais l’horreur ne s’arrête pas là. Dans les ouvrages que j’ai lus pour ma thèse, la Philosophie des Jeux Vidéo de Mathieu Triclot (Editions Zones, Paris, 2011) prend une place importante. Triclot y questionne le concept même de jeu et la place du joueur dans ce jeu. Il y compare les effets à ceux, quasi semblables, du cinéma. Triclot explique que jouer, c’est se mettre dans un second état, et d’être téléporté dans l’univers même du calcul, en influençant sur celui-ci. Il emploi le terme d’ « halu-simulation » où l’hallucination prend ses racines dans l’effet psychologique du cinéma, et la simulation dans l’univers parallèle qui est créé dans le jeu au travers des calculs de la machine retranscrit sur l’écran.

Il en vient à parler d’immersion, comme se projetter dans l’univers du jeu à travers cette halu-simulation. Vous savez, cet état dans lequel nous sommes lorsque nous jouons, créant une bulle spatiale et temporelle autour de nous d’où rien ne peut nous déranger. Et la musique dans tout ça, n’a-t-elle pas un rôle à jouer ? Les jeux vidéo ne sont pas, contrairement à ce que l’on pense, de nouvelles technologies. En 2017, ils fêtent leurs 45 ans de commercialisation, si bien que les étudiants hackers, précurseurs du jeu Spacewar au MIT ont l’âge de nos grands parents. Le jeu vidéo a été analysé par bien des aspects, allant de la philosophie avec l’ouvrage cité précédemment, aux effets sociologiques de ceux-ci, sans oublier les différentes études concernant les récents apports d’internet dans notre façon de consommer les jeux vidéo. Mais, et la musique dans tout ça ? Le cinéma, qui est l’art dont beaucoup de codes sont communs (si non réajustés, mais en aucun cas inventés) avec le jeu vidéo, a le droit lui à son analyse musicale. Le cinéma est un art « jeune », comparé aux autres formes d’art comme la peinture, l’architecture ou la sculpture. Le cinéma  a eu droit, dès son plus jeune âge a des analyses musicales, en témoigne l’ouvrage de Théodore W. Adorno et Hanns Eisler, Musique de Cinéma (Edition l’Arche, 1969). Cet ouvrage est particulièrement cité parmi d’autres, innombrables.

Mais alors, quels sont les ouvrages, de nos jours, qui parlent de la musique dans les jeux vidéos ? On peut trouver OST de Rémi Lopez (Pix’n Love, 2014) qui se contente d’être un lexique des « 100 albums indispensable de jeux vidéo » sans aucune portée analytique. On tombe ici dans la description pure. Autre ouvrage, s’intéressant plus à l’histoire de cette musique, VGM de Damien Mecheri (Pix’n Love, 2014). On y trouve en détail l’évolution de cette musique, comparée à l’évolution technique des consoles et des diverse possibilités de composition qu’offrent chacune d’entre elles, par exemple. Cet ouvrage est certainement l’un des plus sérieux que l’on puisse trouver sur le marché. Cependant, force est constater qu’aucun de s’intéresse de près à ce qu’est vraiment la musique : des sons, vecteurs d’émotions. Par quels mécanismes l’émotion est-elle portée, à quelle partie de notre psyché fait-elle appel ? Pourquoi ce morceau particulier a-t-il plus d’effet, sur nous, qu’un autre ? Et surtout : quels sont ses rapports au scénario ? Car un jeu vidéo n’est plus, comme il l’était par exemple sur PDP-10, qu’un simple jeu, sans scénario. Très vite, les RPG ont émergé pour injecter cette variable à ce qui n’était jusqu’alors qu’un jeu. Aujourd’hui, l’industrie du jeu vidéo concurrence avec sérieux celle du cinéma « On pourra également dire que les jeux vidéo sont […] un sérieux concurrent du cinéma » indique Triclot dès le début de son ouvrage, et qui précise par la suite que la même année, Avatar de James Cameron annonce 200 million de dollars de recette, contre 550 million pour Call Of Duty : Modern Warfare 2. Cette « montée en gamme » du jeu vidéo a permis aux jeux d’avoir un scénario aussi détaillé et fouillé, si ce n’est plus, que celui des films. Et aujourd’hui, si il y a bien des jeux où la musique est importante dans la compréhension du scénario, c’est bien la série des Final Fantasy. D’après mes recherches depuis bientôt 3 ans sur le sujet, la musique des jeux Final Fantasy regorge de mécaniques importantes pour la compréhension du scénario, rajoutant alors un vecteur non négligeable à cette immersion dont parle Triclot dans son ouvrage. Mais personne n’en parle. Pourquoi ?

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